Je retrouve Mathilde sur le trottoir. Lorsqu’elle propose de me raccompagner, je m’entends lui dire que je vais prendre le métro et que je ne rentre pas chez moi. Son sourire s’est-il figé ou est-ce que je viens de faire un rêve épouvantable ? Elle est là devant moi, entre la rue humide et cette bouche de métro que je me mets soudain à détester. Je tremble légèrement et ce n’est pas de froid.
Elle me regarde, mes chaussures sont collées aux pavés. Elle est trop belle, trop douce, trop touchante, trop attirante, trop Trop tout ! J’hésite, je m’enfonce dans les sables mouvants de mon imaginaire, aucun des mots qui me passent par la tête à vitesse éclair ne me semble approprié. Ils sonnent si justes pourtant.
Mathilde, je suis au supplice de ne pas savoir, de ne pas pouvoir, de ne pas oser. Elle ne bouge pas. Je tourne le dos à cette maudite bouche de métro et je m’approche près, si près, sentir son parfum, caresser ses cheveux, poser mes lèvres sur ses lèvres. Elle ne bouge toujours pas. Je la prends dans mes bras, comme on se saisit d’une fleur délicate. Elle bouge. D’un mouvement imperceptible, son manteau épouse mon blouson.
Le temps se fige dans une longue inspiration, je la serre contre moi. Son parfum inonde mon esprit. Je m’accroche à je ne sais quelle raison pour ne pas succomber à cette valse lente et grave qui prend forme dans mon coeur.
Je me détache, je recule, je fuis dans un ralenti digne de 2001 l’Odyssée de l’espace, direction le fin fond de l’univers qui ressemble, pour l’heure, à un infini trou noir.